lundi 20 février 2017

Blagues sur le viol : on peut rire de tout, mais..


Il ne devrait pas y avoir de sujet tabou, de sujet dont on n’aurait pas le droit de plaisanter, j’en suis convaincue. L’humour est une prise de distance avec le réel, un décalage, un pas de côté d’autant plus vital que l’objet moqué provoque douleur et effroi.  J’aime raconter comme il était cocasse de transporter les cendres de mon grand-père dans un sac de voyage.

S’il ne devrait pas y avoir de sujet tabou, il y a des sujets sensibles. Le viol en fait partie. C’est un sujet sensible pour les victimes et pour les femmes en général, toutes victimes potentielles quel que soit leur apparence physique et même leur âge. Le nombre de victimes est incalculable et 99% des violeurs ne seront jamais condamnés. Pour les victimes, la simple évocation de ce crime peut provoquer une détresse semblable à celle ressentie pendant l’acte. C’est un effet du stress post-traumatique. Alors que dire d’une blague sur le viol.. dite par un homme..

Loin d’être une anomalie produite par quelques cerveaux malades,  le viol est l’une des manifestations d’une culture soigneusement entretenue : la culture du viol. On parle de « culture » car il s’agit d’un système de croyances et de pratiques. Les blagues en sont l’un des rouages.  

Le problème des blagues sur le viol n’est pas leur sujet. Une fois encore, tous les sujets peuvent faire l’objet de plaisanteries. Le problème, c’est le message de ces blagues, ce que, à mots couverts, elles disent du viol. La définition implicite qu’elles reprennent et véhiculent.

Pour être plus claire, je vais commencer par un exemple évident.

« Que fait un Somalien qui trouve un grain de riz ?
Il ouvre un restaurant »
Cette devinette n’est pas un sommet de l’humour, j’en conviens.
Pourtant cette blague fonctionne parce que les Somaliens sont associés mentalement à la faim. C’est ce postulat de départ qui fait que l’humour opère.
« Que fait un Suisse qui trouve un grain de riz ?
Il ouvre un restaurant »
Echec total, il n’y a pas de postulat de départ sur lequel l’imaginaire collectif s’accorde.

A présent, voyons sur quels postulats de départ reposent les blagues sur le viol.

J’en suis désolée mais je vais devoir en citer quelques unes, pour la démonstration.

« Dans un pays en guerre, un groupe de miliciens attaque un village. Ils entrent dans une maison, font sortir les hommes pour les tuer et violent toutes les femmes présentes. Ils s’apprêtent à sortir de la maison, mais une petite vieille qui était cachée sous un lit sort de sa cachette et s’adresse aux miliciens : « hé, la guerre, c’est pour tout le monde » ! »

Elle est vieille, elle n’a vraisemblablement pas fait l’amour depuis longtemps. Elle veut donc attirer l’attention des miliciens pour qu’ils « s’occupent » d’elle aussi.
Cette blague nous dit que le viol, c’est du sexe. De la même façon qu’on peut tout naturellement désirer du sexe, on peut désirer être violée.

Même principe avec « Qu’est-ce qui mesure 25 cm et qui donne envie aux femmes de coucher avec moi ?
Mon couteau »

Voilà exactement en quoi les blagues sur le viol ne sont pas acceptables. Dans la quasi-totalité des cas, elles sous-entendent que le viol est du sexe et qu’il peut être désiré. Ce n’est pas seulement faux, c’est également pervers, et plus grave encore, c’est justement l’idée qui justifie ces crimes et qui maintiennent les victimes dans la honte et la culpabilité. « Comment étiez-vous habillée ? » est une blague sur le viol, les rires en moins. Cette question devenue un poncif sur le thème dit la même chose. Etais-tu sexy ? As-tu suscité le désir sexuel ? Si oui, alors tu as récolté ce que tu as semé : du sexe. Sauf que le viol n’a rien à voir avec le désir mais tout à voir avec la destruction de l’autre.

On peut rire sur le viol, oui. Mais on ne peut pas en rire comme on rit du sexe. On ne peut pas non plus en rire comme si le viol était un sujet anodin.
Le « je vais te faire mon cri de femme violée » de Jennifer Lawrence crispe parce que le viol est un crime aussi atroce que répandu et impuni.

Nos sociétés ont un problème avec le viol, crime dans les textes mais pas dans les esprits ni dans les faits. Réglons ce problème, faisons en sorte que le viol soit réellement et massivement perçu comme une violence, sans équivoque, et ensuite nous pourrons nous permettre de plaisanter à son propos – mais pas n’importe comment. Sans nier ce qu’il est : une horreur, jamais désirée ni désirable, qu’il faut comprendre et combattre.

Il n'y a pas de sujet tabou, j'y reviens. Et si on riait du viol en se moquant des violeurs ? Et si le rire était une arme non pas des machistes, mais des femmes ? 

Conseil de self defense. 
Si un homme tente de vous violer, parlez-lui et dites-lui ceci : 
"Je t'aime. Je voudrais faire un enfant avec toi"
Il s'en ira en courant avant la fin de la phrase. 

On respire mieux, n'est-ce pas ? 













mardi 14 février 2017

St Valentin

Ah, la St Valentin.. la fête de l’amour..

L’amour, c’est être heureux-ses ensemble, se faire confiance, rire, se raconter nos vies, faire des projets, rêver..

Parfois la vie de couple est beaucoup plus difficile. Parfois, cela ne se passe pas comme prévu.

Parfois le Valentin humilie, menace, frappe, viole et tue sa Valentine.  
Arrêtez de nous faire croire qu’il s’agit d’amour !
Ne nous parlez plus de « crime passionnel » ou de « drame de la séparation ».

· Est-ce par amour que l'on donne 15 coups de couteaux à sa conjointe puis qu'on la traîne dans la cave pour la laisser se vider de son sang ? 
· Est-ce par amour que l'on attend sa compagne sur son parking, qu'on la renverse avec sa voiture et qu'on l’achève de plusieurs balles dans la tête ?
· Est-ce par « passion » que l'on égorge son ex devant ses propres enfants 


Les poignardées, les égorgées et les battues à mort devraient peut-être être
flattées d'avoir déclenché une telle passion. Quelle habileté de nous faire
croire que nous sommes violentées et tuées par amour et par désir. On en
viendrait presque à désirer la violence, puisqu'être aimée est si beau. Quelle
habileté et surtout quelle perversité. 

Ce 14 février devant le Palais de Justice de Paris, nous avons incarné les
119 tuées de 2016 (cas médiatisés) pour dire que ce n'est pas de l'amour : 
c'est un massacre. 





La société toute entière est concernée. En plus du coût humain, si l'on pense notamment aux enfants tuées également, orphelins et témoins des crimes, le coût économique des violences conjugales a été estimé à 3,6 milliards en 2012.


Revendications
Respecter les engagements de la France dictés par la Convention « d’Istanbul » du Conseil de l’Europe qui interdit notamment la médiation en cas de violences conjugales.
Augmenter les accueils de jour, les lieux d’écoute, d’accueil et d’orientation (LEAO), les permanences dans les commissariats et gendarmeries, les permanences des associations et les centres d’hébergement spécialisés.
Rendre obligatoire et financer les « référent-es violences » au sein des gendarmeries, commissariats et tribunaux dans tous les départements.
Réaliser plus de formation des professionnel-les.
Augmenter les moyens financiers des associations et des actrices de terrain
Créer plus de places d’hébergements d’urgence. Le conseil de l’Europe en préconise 6.600 places nécessaires en France.
Renforcer l’éducation à la sexualité et à l’égalité à l’école.

En 2017, le massacre se poursuit.
Dimanche, dans le Morbihan, un homme a tué son ex-compagne d’un coup de fusil. C’est le 15ème féminicide conjugal de l’année.

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