samedi 6 mai 2017

Le FN, un parti qui ne peut que haïr les femmes

Des femmes à la tête de partis d’extrême-droite européenne : une stratégie de dédiabolisation efficace mais un danger réel pour les droits de toutes les femmes

Marine Le Pen, une femme quadragénaire, divorcée, à la tête du Front National, est l’un des choix qui s’offre aux citoyen.nes pour le 2nd tour de l’élection présidentiel qui aura lieu dimanche.
Autant les féministes se battent pour la parité en politique et se réjouissent de l’accession de femmes à des postes de pouvoir.. mais pas dans ce cas. Vraiment pas.  

A l’échelle européenne, on constate une stratégie commune à certains partis d’extrême-droite : placer des femmes relativement jeunes à des postes de responsabilité. On peut citer l’exemple de Céline Amaudruz, 38 ans, présidente de l’UDC section Genève ou de Fleur Agema, 40 ans, députée du Parti de la Liberté aux Pays-Bas. En Hongrie, Kristina Morvai, avocate des Droits humains à l’ONU est députée européenne Jobbik.
Le cas norvégien de Siv Jensen, leader du Parti du Progrès, a des airs de déjà-vu.
Carl I. Hagen, fondateur controversé, passe la main en 2006 à cette arrière-petite-fille d’une des 1ère suffragistes du pays. « Sur le fond, Siv Jensen n'a pas renoncé à grand-chose, mais elle peut dénoncer "l'islamisation rampante" du pays sans provoquer de scandale. »[1]. La droite naturelle la considère comme une partenaire légitime et ses idées xénophobes progressent dans la société norvégienne.

Les partis d’extrême-droite savent jouer avec les stéréotypes associés aux femmes pour se donner une façade de respectabilité : douces et inoffensives, on les associe difficilement au fascisme et à sa violence. Réputées plus sensibles, altruistes et maternelles, elles sont davantage crédibles quand elles ont un discours social et se présentent comme à l’écoute des attentes des classes populaires.

Cette stratégie est efficace, le Front National a convaincu davantage de femmes depuis que Marine Le Pen a remplacé son père et son discours s’est banalisé dans les médias et la société entière.

Par ailleurs, comment reprocher à une femme d’être misogyne ?
Pourtant le Front National, fidèle à son héritage pétainiste, défend un projet de société rétrograde et dangereux pour les droits des femmes.

Pour comprendre en quoi l’extrême-droite ne peut être que misogyne, il faut se rappeler quel est l’idéal de société qu’elle promeut. Ces courants de pensée ont une vision biologisante de la nation :  on est français.e ou européen.nes parce qu’on est blanc.he avec des parents catholiques. Dans cette logique, le droit du sol doit être remplacé par le droit du sang, la nationalité se transmet par les gènes et les étranger.es sont des indésirables.

Bien au-delà de « voler les emplois des Français.es », les étrangers sont les auteurs d’un métissage qui fait horreur aux partisans d’extrême-droite. Les immigrés (masculins) ne font pas que voler les emplois, ils volent aussi les femmes. C’est ce là que viennent les stéréotypes racistes sur les Noirs violeurs.
Les viols n’émeuvent l’extrême-droite que lorsqu’ils sont commis par des hommes immigrés extra-européens, comme en témoignent les réactions de Marine Le Pen face aux agressions et crimes sexuels commis à Cologne le 31 décembre 2015.  « J'ai peur que la crise migratoire signe le début de la fin des droits des femmes »[2], écrit-elle après s’être réclamée de Simone de Beauvoir.
Pour ce qui est des viols les plus tristement banals, à savoir ceux commis dans la sphère intime, on peut se référer à Bruno Gollnisch qui entend décriminaliser le viol conjugal – qui avec un peu de chance pourra faire naître de nouveaux bébés français.

Si les hommes immigrés risquent de féconder les Françaises blanches et les faire accoucher d’enfants métis, nous plongeant dans un remake du Village des damnés, les femmes immigrées quant elles.. font trop d’enfants. Beaucoup trop. C’est le message sous-jacent aux discours sur les « allocs » et les hantises autour du regroupement familial.

Les femmes blanches quant à elles ne sont pas suffisamment fertiles. Une nation essentialisée et une idéologie raciste se traduisent forcément par la volonté d’accroître le nombre de naissances de « nos » femmes par « nos » hommes. De gré ou de force, et même plutôt de force. Le Front national et d’autres groupes d’extrême-droite mènent des attaques contre le droit à la contraception et à l’avortement. En 2010, Marine Le Pen a introduit le projet de dérembourser «l’IVG de confort » « pour tenter de le ramener à zéro si possible »[3].

L’argument nataliste évoqué se révèle être purement raciste : la France a le taux de natalité le plus élevé d’Europe.. mais pas en ce qui concerne les enfants français. D’après l’INSEE, le taux de natalité en France en 2008 est de 2,02 enfants par femme, ce qui est donc suffisant pour assurer le renouvellement des générations. Or ces statistiques représentent les « femmes accouchant en France ». Si l’on prend en compte uniquement les femmes de nationalité française, ce taux est de 1,8. C’est donc une crise de la natalité d’enfants français qu’il faut endiguer en imposant des grossesses aux femmes françaises. On peut alors se demander quels seraient les critères pour déterminer qu’un avortement est « de confort ».. Le projet concernant les allocations familiales est plus clair, elles seront réservées aux familles dont au moins un parent est français.

Le FN nourrit la hantise d’une perte d’identité et d’un envahissement par les étrangers. En réponse à cette peur et dans la lignée de tous les régimes fascistes, la nation doit se renouveler par de nombreuses naissances d’enfants de son « sang ». Pour garantir la naissance de moult bébés blancs, le corps des femmes doit être strictement contrôlé. C’est ce qui a mené au système de « Lebensbarn » (ferme de vie) en Allemagne nazie.
Ce contrôle du corps des femmes pour maîtriser la natalité est au cœur du patriarcat. L’extrême-droite ne peut exister sans une oppression machiste des plus brutales. Ce machisme va dans le sens du culte de la force physique associée à une virilité dans ce qu’elle a de plus violent et archaïque. Il implique la défense de la famille traditionnelle avec le “chef de famille” qui dicte sa loi sur son épouse et enfants et a contrario la haine des lesbiennes et homosexuels.

Les femmes (toutes mariées, et à des hommes bien entendu) sont cloîtrées à la maison avec d’un côté le « salaire parental » - qui est en fait un salaire maternel, et d’un autre côté une discrimination des femmes sur le marché du travail renforcée. Dans le discours d’extrême-droite, les femmes prennent la place des hommes dans les entreprises et le chômage sera résorbé en écartant les femmes du marché de l’emploi. L’égalité salariale est honnie, elle est également l’une des causes du chômage. Ainsi les femmes deviennent dépendantes de leur époux, ne peuvent plus refuser de rapport sexuel (grâce à Bruno Gollnisch) ni avorter et ne peuvent pas se réfugier auprès d’une association d’aide aux femmes victimes de violences puisqu’il n’y en aura plus.

Malgré sa nouvelle façade, le Front National reste un parti intrinsèquement misogyne, lesbo-homophobe, raciste, antisémite et hostile aux classes défavorisées. Son unique objectif est d’avoir et de conserver le pouvoir pour mettre en place une société brutale et appauvrie aussi bien économiquement qu’humainement.






« Il est ridicule de penser que leur corps leur appartient, il appartient au moins autant à la nature et à la nation. »
 Jean-Marie Le Pen 


vendredi 5 mai 2017

"Culture du viol" ?

« Culture du viol », l’expression peut choquer.
La culture, n’est-ce pas cet ensemble de créations littéraires et artistiques qui nous élèvent au-dessus de notre basse condition matérielle ?
Nous ne sommes pas que des corps destinés à manger et se reproduire, n’est-ce pas. La culture, sensée être « le propre de l’homme », par opposition à la nature, nous hisse au-dessus de notre animalité, de nos pulsions. Au-delà des premières associations d’idées, une culture est un ensemble de normes, de discours et de pratiques qui se transmettent par apprentissage et imitation.

Revenons à la « culture du viol ».
Le viol n’est-il pas une manifestation de la partie sombre, animale des hommes qui « ne savent pas se retenir » ? Le fruit de pulsions irrépressibles car nécessaires à la survie de l’espèce ?
Et le rôle de la culture n’est-il pas justement de dire : on régule ses pulsions, on ne vole pas le sandwich de son voisin et on ne se saute pas dessus en public ?

Non, c’est justement le contraire. Le viol est culturel, comme manger avec une fourchette est culturel. Il existe un ensemble de discours et pratiques qui s’enseignent, se transmettent et qui permettent et encouragent le viol.


Parmi les discours les plus répandus, on peut citer les expressions : « appel au viol », ou encore « il ne faudra pas s’étonner de se faire violer ».

Quand on s’habille sexy, qu’est-ce qu’on a envie de provoquer, en réalité ?
Le désir. Et il n’y a aucun mal à cela. On peut avoir envie d’exciter quelqu’un sexuellement. L’effet recherché est : le désir de son partenaire, ou d’autres hommes.
Le désir. Pas une agression.
Quand un homme vous menace de viol ou vous touche par surprise, il vous a agressées. Ce n’est pas du désir qu’il manifeste, c’est une volonté de vous humilier et de vous intimider. Le désir sexuel, c’est le désir d’être désirée et de partager du plaisir, pas le désir de faire du mal. Jouir sexuellement de la souffrance de l’autre, cela s’appelle le sadisme.

Les pulsions sexuelles, le désir sont – entre autres – naturels. En assimilant le viol à une pulsion non contrôlée, on le range du côté de la nature donc de la fatalité, donc on empêche de l’analyser pour ce qu’il est : un crime machiste, donc politique.  On l’excuse partiellement. Comme on excuse Jean Valjean qui vole un pain parce qu’il a faim.


De façon encore plus vicieuse, certains discours assimilent le viol à un acte sexuel comme un autre. Notamment dans les blagues sur le viol.
Le viol n’est plus un débordement, « oh pardon j’avais tellement faim que j’ai mordu dans ton sandwich.. c’est mal mais j’avais faim, c’était ça ou tomber d’inanition, alors... »
Le viol devient du sexe. Naturel, donc, et pire : éventuellement souhaitable, et éventuellement agréable.

On en vient à suggérer qu’une victime de viol peut désirer être violée. Donc désirer sa propre humiliation et destruction. C’est une inversion perverse. Le summum de la torture psychologique : faire croire à la victime qu’elle désire sa propre destruction.

Le discours des agresseurs consiste à dire : elle l’a voulu, elle m’a aguichée.. ce sont des excuses qu’ils se trouvent. Le problème plus vaste est que l’ « appel au viol » est une notion banalisée socialement. C’est le discours des violeurs qui est le discours dominant sur le viol.
Vous voyez mieux pourquoi on parle de « culture du viol » ?

Le viol est aussi permis par la « division des tâches » dans la sexualité entre les hommes sensés être actifs et les femmes passives.
La « drague » est conçue comme la prédation de femmes et la virilité est sensée être prédatrice et conquérante, comme en témoigne David Wong, traduit ici, qui retrace les « leçons sur le consentement sexuel des femmes » à destination des jeunes hommes issues de la pop culture.  Ce jeune homme a appris dans les films populaires qu’une femme dont on force le consentement tombe amoureuse de son agresseur. Forcément, ça donne envie.

La féminité au contraire doit être passive, le corps des femmes un réceptacle. C’est ce que l’on entend dès l’enfance. J’en faisais état dans un précédent article, « Maman, comment on fait les clichés ». Quand on apprend aux enfants que le papa « dépose une graine dans le ventre de la maman », on pose les bases. Les toutes premières informations qui permettent de se représenter un rapport sexuel, à l’âge où l’imaginaire est le plus perméable, présentent déjà l’homme comme actif et sujet de la phrase, et la femme comme un terreau, objet, qui non seulement ne fait que recevoir, mais de plus est réduite à son « ventre ».

Le désir des femmes est un non-sujet. Que l’on pense simplement au fait que l’argument le plus efficace pour freiner un harceleur est « j’ai un copain ». Si un « je ne veux pas » n’a que peu de poids, « mon corps a déjà été réservé par un autre homme » est recevable.



C’est ainsi que transgresser les limites d’une femme, la « conquérir », devient un signe de virilité. La culture, nous l’avons vu, résulte d’un apprentissage. Imposer sa volonté et son désir à une femme s’apprend, il existe des cours et tout un corpus de publications dans lesquels des hommes l’enseignent à d’autres.
L’ouvrage de référence des « pick-up artists » (ou artistes de la drague) s’appelle The Game. Subtil jeu de mot : « game » peut se traduire par « jeu » mais signifie aussi « gibier ». Tout est dit.
Selon ces experts qui affirment enseigner la « séduction », le « non » d’une femme est un « test dont il ne faut pas tenir compte ». Voici l’un des conseils que l’on peut trouver : « La prochaine fois que vous faites face à une résistance ou un test féminin, ne réagissez pas ! Continuez comme si de rien n’était. Vous serez surpris du résultat, je vous le garantis ». Elle dit « non », continuez, ne prenez pas en compte sa réaction. Conseil de drague ou conseil pour harceler voire violer une femme ?

Nous vivons dans une culture de prédation masculine et de mise à disposition du corps des femmes dont la volonté, le ressenti et les émotions sont niés, dénigrés et ridiculisés avec méthode. Les femmes sont compliquées, elle ne s’expriment pas clairement, on ne comprend rien à ce qu’elles veulent véritablement, elles dissimulent leur ressenti et leurs intentions.. le cliché paraît inoffensif, il l’est beaucoup moins dans le contexte que je viens de décrire.

Le viol n’est pas une anomalie. Il n’est que l’une des manifestations d’une culture qui veut que la sexualité masculine est active et que les pulsions des hommes sont puissantes et impérieuses, tandis que les femmes sont douces, passives et que leur désir est soit inexistant, soit impossible à décrypter.

Tout « naturellement », nous trouverons dans la rubrique « kama sutra » de Doctissimo la position de la « belle endormie ». On suggère de pénétrer une femme dans son sommeil. Donc de la violer, sans équivoque possible. Tout « naturellement » aussi, nous lisons dans l’article de Psychologie magazine « Pourquoi les hommes aiment la sodomie » :
« La réticence de la femme est importante à mes yeux. J’aime dominer. J’aime forcer une résistance. »
ou encore : « Je ne demande jamais à une femme l’autorisation de la sodomiser. »
Des violeurs qui s’assument.

Le viol s’inscrit dans une logique globale d’appropriation du corps des femmes par les hommes, faite de stéréotypes sexistes, de blagues, de livres, films et chansons, de harcèlement, d’attouchements, de viols, de meurtres intimes et de massacres.

Pensons-y dès qu’une femme est assimilée à un objet par « blague », ou dès qu’un homme transgresse les limites spatiales, corporelles ou psychiques d’une femme. Chaque geste, chaque mot qui va dans le sens de la culture du viol participe à sa normalisation – in fine c’est de notre intégrité qu’il s’agit.

jeudi 4 mai 2017

Un danger mortel pour les femmes

Un message urgent et vital pour nous tou.tes aux abonné.es de "Je connais un violeur"

Mes chères et chers, 
En tant que citoyenne, femme et féministe engagée, je suis terrorisée face au score grandissant de Marine Le Pen et le risque de la voir accéder à la fonction suprême. 
Je ne vous connais pas, je sais seulement que nous partageons une lutte contre un crime sexiste et une violence machiste banalisée. Au nom de ce qui nous a rassemblé jusqu’à présent, s’il vous plait, gardez en tête que l’extrême-droite est un danger mortel pour les femmes. 
L’extrême-droite est intrinsèquement violente et forcément misogyne - en plus d’être raciste, xénophobe, antisémite et homo-lesbophobe. 
Le FN, ce sont des députés européens qui votent contre chaque disposition en faveur de l’égalité et contre les luttes faites aux femmes. Une mise en danger du droit des femmes à disposer de leur corps grâce à la contraception et le droit de choisir de poursuivre ou non une grossesse. 
C’est notre intégrité physique qui est en jeu, et même nos vies. Les avortements, lorsqu’ils sont interdits, se pratiquent clandestinement dans des conditions sanitaires qui mettent en danger la vie des femmes. 
Marine Le Pen s’oppose à l’existence même des associations de défense des droits des femmes et des refuges pour femmes victimes de violences. Bruno Gollnisch souhaite que le viol conjugal ne soit plus considéré comme un crime. 
Je suis de gauche, attachée aux droits des travailleurs-ses et à la protection sociale. Je suis aussi attachée à la démocratie, aux droits humains et aux droits et à la sécurité des femmes, des homosexuel-les, des migrant-es, des personnes d’origine étrangère et des Juif-ves. 
Faisons un choix libre, d’autant plus libre que nous savons ce qui nous attend en cas de défaite de son adversaire. 
Merci 
Pauline Arrighi 
Créatrice de ce blog, du tumblr "Je connais un violeur et ex-porte-parole d’Osez le féminisme !
Le Top Site d'Anna K.