jeudi 27 juin 2013

"Maman, comment on fait les clichés?"


Pour les besoins d’une prochaine campagne d’Osez le féminisme !, je me suis replongée dans les livres qui ont enfiévré mon enfance.

J’ai découvert, non pas l’origine du monde que je connais déjà, mais l’origine des stéréotypes sexistes. Alors qu’ils sont encore innocents, on dit aux petits garçons qu’ils sont mieux lotis par la nature que leurs soeurs, on compare les hommes à des jardiniers et les femmes à un lopin de terre. En voyant l’imaginaire des enfants nourri d’images aussi distordues et qui impliquent autant d’inégalités, le sexisme ambiant ne m’étonne guère.

Les filles, c’est moins bien

Les garçons ont un « zizi » et les filles n’ont rien du tout. Ou, si elles ont de la chance, une « zézette ». Une chose comparable mais plus petite. Les filles sont caractérisées par comparaison avec les garçons qui sont la norme. Nous restons le deuxième sexe, l’autre, plus petit, plus compliqué, moins ceci ou plus cela.



« Laisse tomber, ça a l’air vraiment encombrant et inconfortable leur machin. Et puis, tu verras plus tard.. Il vaut parfois vraiment mieux être une femme »

En lisant des conseils sur Internet adressés aux parents soucieux d’expliquer leur venue au monde à leurs enfants, on tombe sur des poncifs toujours similaires : “on peut expliquer que pour faire un bébé, il faut un papa et une maman qui s'aiment très fort et que le papa dépose une graine dans le ventre de la maman.”

Mis à part le « dépose », plutôt délicat si on pense à la sueur et aux grognements dépensés dans l’entreprise, on reste dans la sempiternelle répartition des rôles entre l’homme actif qui part à la chasse, pardon, dépose la graine, et la femme qui.. euh, non rien. « dans le ventre ». Réduite à son « ventre », elle attend que ça se passe en regardant le plafond.




Cette illustration, où l’on voit la lubrification féminine, si ardemment recherchée à l’âge adulte, qualifiée d’un « buerk », provient du site de l’exposition « le zizi sexuel ».

On y découvre les craintes légitimes et partagées d’un jeune garçon à la crête blonde. Je cherche encore son homologue féminine. Nadia est présente dans de rares illustrations, mais elle ne s'exprime pas, les craintes et questionnements propres aux petites filles et adolescentes sont ignorées. (du moins sur le site Internet. Je n’ai pas visité l’exposition, mais selon une militante d’OLF, et ça me semble révélateur, on peut y lire que « le clitoris sert à faire pipi ». Tout un programme)

La distribution des rôles est parfaitement respectée, et, chose étrange, le garçon est le seul à avoir le coeur qui « bat fort » :




Heureusement, ceci est drôle (et très vrai) :





En conclusion, face à cette propagande masculiniste, misogyne et victimaire :





En avant, les femmes libres !







mardi 25 juin 2013

"Non, j'ai un copain"




J'en étais sûre. Déjà pendant mes années d'adolescence revêche, je ne rejetais jamais des avances importunes en évoquant un petit ami, réel ou imaginaire. Je tenais à ce que l'indésirable sache que je refusais ses avances car je n’étais pas attirée par lui, et que ma réponse aurait été la même sur une île déserte après des mois d'abstinence. 
Or une femme qui invoque son seul manque d'appétence est moins prise au sérieux que la femme "casée", qui appartient à quelqu'un d'autre. Même si, selon certains témoignages, on peut entendre des parades comme "je ne suis pas jaloux". On en revient toujours au même point.

Un désir, une volonté, une initiative qui n’appartient qu’à elle peut, dans l’esprit d’un homme, toujours être infléchi. « Femme qui dit non veut dire peut-être », dit un adage fort spirituel. Kheiron, l’ami séducteur du héros de Bref, est interviewé en tant qu’expert de la drague. Il énonce qu’un homme doit « transformer le « non » en « oui » ». On comprend mieux comme il est difficile pour une femme de se faire entendre, en séduction comme dans d’autres domaines.

Et si les femmes osaient dire oui ? Les hommes ne pourraient plus se servir du prétexte du malentendu et du « ah bon, tu ne voulais pas ? ». Ils ne s’excuseraient plus d’un « on ne sait jamais quand une femme veut ou non » ou d’un « certaines femmes aiment être agressées ». Phrases réellement entendues de la bouche de jeunes gens bien éduqués.

Sans culpabilité de la part des femmes, sans négation de l’autre de la part des hommes, le désir doit être accepté et valorisé chez les deux sexes.
Comme le dit Clémentine Autain dans la préface du livre "Elles se manifestent" (éditions Don Quichotte) :

« Exprimer ou respecter un "non", c’est donner plus de saveur au "oui". Loin de l’imposition d’une volonté univoque et de la quête d’une possession de l’autre, le moteur des relations sentimentales et sexuelles devrait reposer sur la recherche du désir de l’autre, pour enclencher un cercle vertueux : plus tu me désires, plus je te désire, plus tu me désires, etc. Je crois profondément que cette vision est démultiplicatrice de l’envie, du plaisir, du fantasme. »

Citée dans le Nouvel Obs. 











mercredi 19 juin 2013

"Culture du viol" : illustration par le "victim blaming"


Pour lutter contre le viol et les agressions sexuelles en Chine, on recommande aux femmes de porter des collants poilus.

Alors que la réaction communément entendue est « ben, autant ne pas s’épiler ! Oui mais ça gratte. Ah oui pardon. », il est temps de parler de culture du viol. Objet de plaisanteries, banalisé, il est considéré comme un accident, un manque de chance. Au mieux, quand il se généralise, on parle d’« épidémie ». Si  quelqu’un devait en porter une quelconque responsabilité, ce serait les femmes elles-mêmes.

J’ai été témoin moi-même de réactions désagréables et culpabilisantes envers des victimes de viol. Je me suis amusée à trouver des équivalents à ces réactions d’incrédulité ou d’hostilité, rapportées à des situations de gravité comparable. J’ai imaginé qu’il s’agissait non pas d’un viol mais d’une tentative d’homicide. Notre victime imaginaire a été menacée, insultée puis son agresseur lui a planté un coup de couteau ou tiré un coup de feu sur elle et l’a manquée.
Voici quelles pourraient être les réactions de son entourage :

« Attends, tu lui avais mal parlé. Non, tu ne lui avais pas mal parlé, juste avant ? Ouais, enfin en même temps avec cette tête agressive que tu fais parfois, je comprends qu’il ait eu envie de se défendre ».

« Tu es sûr ? A mon avis, ce coup de couteau dans l’épaule, tu te l’es fait toi-même. On en voit tellement, des gens qui le font exprès et puis qui accusent quelqu’un d’autre pour gagner de l’argent »

« Et pourquoi tu ne t’es pas mieux défendu ? »

« Bon, OK, il a essayé de te tuer, mais enfin, c’était un de tes meilleurs amis, non ? Tu pourrais quand même lui pardonner ! »

« Vous êtes sûr que vous voulez porter plainte ? Vous savez que votre agresseur risque plusieurs années de prison ferme ? Réfléchissez bien surtout, les conséquences peuvent être très lourdes pour lui »

« C’est bon, oublie ça, il ne mérite pas que tu penses à lui »

« Bon ça va, il ne t’a pas attachée non plus »

« Non mais attends, ça veut dire que si un jour je te dis un truc qui ne te plait pas, tu vas porter plainte contre moi et je vais me retrouver en prison ? Vous avez vraiment trop de pouvoir, vous les filles ! »




Je ne peux que recommander son excellent site sur les violences sexuelles, le meilleur que j’aie trouvé en français jusqu’à présent. 

Quant à moi j’ai tenté de dénoncer l’assimilation d’un viol à un rapport sexuel normal : ici



jeudi 13 juin 2013

Inégalité dans le désir


_ Hé jeune homme, t’es super charmant, on dirait Rafael Nadal, tu viens boire un verre ?
_ Non merci, désolé
_ Comment il s’la raconte ! Sale **, vas-y ** ma **

Ce dialogue est purement fictif. Il est en effet inconvenant pour une femme de faire un compliment sur le physique d’un inconnu ou de faire état de ses conquêtes masculines. J'ai déjà été rabrouée pour moins que ça. De la part d'un homme en revanche, l'expression d'une attirance est parfaitement acceptable, voire souhaitée. 

Plutôt que d’exprimer leur désir, les femmes devraient plutôt déambuler, ouvertes à tous les vents et tous les compliments, prêtes à recevoir la semence telles des utérus en promenade. Un homme qui lit sur un banc public, est un homme qui lit sur un banc public. Une femme dans la même situation doit se réjouir d'être sollicitée pour satisfaire la libido du chaland. Chacune doit composer avec ces intrusions, être trop polie c'est encourager la manoeuvre, être trop froide c'est s'exposer à des insultes ou pire. Tout un art de la diplomatie. Dans la continuité du mythe de l’homme actif et de la femme passive, les femmes sont perçues comme un réceptacle du désir masculin, une forteresse à prendre dans la tradition Valmontesque.

Plutôt que désireuses, conquérantes, actives et volontaires, les femmes doivent être disponibles, souriantes et accueillantes. Les femmes ne sont pas sensées avoir un désir autonome : contentons-nous de répondre aux avances masculines. Or il y a une différence fondamentale entre accepter et vouloir, tolérer et aimer, suivre un mouvement et initier le mouvement, consentir et désirer. La femme doit être consentante, dit-on. Mais le consentement est si facile à extorquer ! Seul le désir est libre.

« Les laboratoires pharmaceutiques s’inquiétent de leurs résultats, qui seraient trop bons. (..) On craint que les femmes débordent de libido et deviennent des infidèles frénétiques, bouleversant l’ordre de la société ».

L’auteur de cette phrase a publié le livre au titre prometteur : What do women want. Significatif. Afin de mieux être brimé, le désir des femmes est recréé, inventé par les hommes. Il doit être une projection de ce que les hommes désirent qu’elles désirent.

Merci à Amanda Postel, qui milite avec moi à Osez le féminisme! pour sa réaction parfaitement formulée à la déclaration de François Ozon sur notre soi-disant "fantasme de prostitution" : 


« C’est donc confirmé : secrètement, nous rêvons toutes d’être des putes. Merci François Ozon, de dire tout haut ce que vous voudriez que les femmes pensent tout bas, du haut de votre position d’autorité. Et de rappeler que tout homme (même s’il préfère lui-même les hommes) a une expertise naturelle en matière de sexualité féminine. Nous, nous sommes trop passives et irrationnelles pour parler pour nous-mêmes. Mieux, on aime ça, qu'on parle à notre place.
C’est peu ou prou l’équivalent soft d’un « tu aimes ça, salope » lancé à une actrice porno bâillonnée. (et si l’intervieweuse est dubitative, c’est parce qu’elle est américaine, pas que les propos d’Ozon sont un ramassis d'inanités: ne jamais se remettre en question, jamais !).
L'affaire est tout à fait révélatrice du cinéma encensé à Cannes : des hommes qui fabriquent des personnages féminins selon leur propre fantasme, et qui prétendent ensuite que leurs univers fictifs sont une image fidèle de la réalité. »

et par votre dévouée. 



Le mythe de Pygmalion va loin : le sculpteur impose la forme mais aussi la pensée et les envies. 
Cette vision imposée de l’absence de désir, de volonté propre des femmes se répercute dans tous les domaines, elles auront plus de mal à s'imposer dans un groupe mixte, leur volonté et leur parole est mise en doute. Les femmes sont versatiles, changeantes, soumises aux forces incontrôlées de leurs hormones. "Souvent femme varie, bien fol qui s'y fie", disait François Ier (le roi de France, pas le nouveau Pape). Confieriez-vous le bouton de la bombe atomique à quelqu'un d'aussi peu fiable ? On se comprend.

Mais restons-en au champ de la sexualité. Le système prostitutionnel n'est qu'une extrapolation paroxysmique de ce déséquilibre entretenu. L'un désire et impose, l'autre s'exécute. Et le premier nous dit que le second aime ça. 

Dans le débat actuel sur la pénalisation des clients de la prostitution (qu’on appelle de façon moins hypocrite les prostitueurs), l’auteure Claudine Legardinier répond au chanteur Antoine :

« Quel est cet art, donc, où un seul exprime son désir, ou plutôt ses lubies sexuelles sur un objet qu'il a jaugé, soupesé et rémunéré, et où l'autre, sous le sourire commercial de rigueur, se contente de s'exécuter en serrant les dents et en attendant que ça passe (voire en prenant un peu de valium pour se donner du courage) ? L'idée de la sexualité ainsi défendue par notre libertaire épris d'exotisme fait froid dans le dos. Notre chanteur aux chemises fleuries a-t-il déjà connu le plaisir partagé ? Le trouble, l'émotion, le plaisir – si unique, si subtil – de sentir le plaisir de l'autre ? »

« Erreur ou mauvaise foi, de la part de nos détracteurs ? Qu'importe. Nous continuerons de nous battre pour la liberté sexuelle, pour que les femmes aussi aient un droit au désir, au plaisir, pour qu'elles cessent d'être des objets à disposition, des trophées, des outils à confirmer la virilité. »

Un droit au désir, et non pas l’heur être désirées. 
Le Top Site d'Anna K.